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Chouette, la Tanzanie

Dernière mise à jour : 27 avr.

C'est un voyage inhabituel et fabuleux de quelques mois que je vais vous raconter. Et ça en vaut vraiment la peine ! 2 Octobre 2024, il est aux environs de 11h30 quand je reçois un message d'un interlocuteur que je ne connais pas et dont le numéro de téléphone est visiblement localisé à l'étranger. Je prends le temps de réfléchir à une potentielle arnaque pendant 15 bonnes minutes, puis je consulte l'aperçu du message. "Bonjour, je viens de trouver un bébé hibou..."

Évidemment, ayant été bénévole dans un centre de soins durant quelques années, je vais lui répondre. Je termine la tâche que j'ai commencé et prends connaissance de l'intégralité du message de cet inconnu. En quelques mots, je comprends que la situation est plutôt atypique. "Bonjour, je viens de trouver un bébé hibou. Ses parents ne reviennent pas le chercher. Pouvez-vous m'aider ? je suis en Tanzanie. Nous pensons à un grand duc de Verreaux."


Mon premier reflex sera de lui proposer de chercher une centre de soins en Tanzanie et lui indique quoi faire pour maintenir ce petit en vie. Le mettre au calme et au chaud avec une bouillotte dans un carton. "Nous n'avons pas de centre de soins pour les oiseaux ici, uniquement pour les mammifères"


Je lui donne alors le numéro de téléphone du centre de soins où j'avais été bénévole. La personne l'avait déjà contacté ainsi que d'autres structures. Sans réponse. Je lui demande d'insister un peu afin qu'ils prennent le relai. Car même si nous sommes à distance, il me paraissait logique qu'un centre de soins prenne l'affaire en mains pour lui venir en aide. Je lui ai dit que dès qu'elle aurait leur aide, je les laisserais prendre le relai. Je lui demande une photo de l'oiseau pour évaluer son âge. La surprise à été de taille ! Inutile d'attendre pour des instructions de nourrissage, il est trop petit pour attendre.


Poussin de rapace nocturne au chaud
Poussin de rapace nocturne au chaud

Coté centre de soins c'était peine perdue. 24 heures plus tard, la seule réponse que la personne a eu c'était " Même à cet âge ils sont carnivores strict donc il faut le nourrir à la viande". Rien de plus. Ni le nombre de fois, ni la taille des morceaux, ni quantité, ni comment le lui donner la viande. Rien d'autre. Nathalie avait suivi les consignes que je lui avais donné. Elle n'y connait rien, alors, elle me demande si je vais l'aider. Difficile de refuser, alors je lui promets de faire de mon mieux pour l'aider, tout en la mettant en garde que tout peut basculer à tout moment, même quand tout parait parfaitement positif. La première nuit c'était bien déroulée, le petit avait fait ses besoins. Dans la journée je recevrais une autre photo, il venait d'ouvrir les yeux pour la première fois. L'émotion était incroyable !


Jour 2 ouverture des yeux du petit rapace

Ma vie personnelle et professionnelle m'empêche d'y aller et ce n'était pas non plus ce que l'on me demandait. Cependant Nathalie et moi serons en contact quotidiennement pour aider ce bébé hibou à vivre, à grandir, et si tout va bien à apprendre la vie libre et sauvage dans son environnement naturel. Les premiers jours, il a fallu insister un peu pour qu'il mange suffisamment. Sa survie en dépendait, si petit s'il n'emmagasinait pas l'énergie suffisante à son petit corps tout frêle il ne tiendrait pas longtemps. Là bas, en Tanzanie, elle lui fera un nid fait d'un panier, de ouate couverte d'un tissu et d'une bouillotte à réchauffer toutes les heures pour qu'il n'ait pas froid et qu'il soit rassuré aussi. Sa maman l'aurait si bien réchauffé si elle avait été là pour lui. Il fallait également le nourrir aussi souvent qu'il le souhaitait. Ne pas brider son appétit tant qu'il restait fragilisé par sa situation d'orphelin. Le peser chaque jour pour vérifier sa prise de poids. Le travail qu'attendait Nathalie était colossal alors je m'inquiétais rapidement du temps réel qu'elle pourrait lui accorder pour l'aider à vivre. Aider un jeune de cet âge relève de la nurserie, ce n'est pas une mince affaire !


Mon expérience en centre de soins pour la faune sauvage suffira-t-elle ? Mais j'ai promis, je ferais tout pour aider Nathalie et son petit protégé. Le petit prend du poids chaque jour, de façon régulière. Parfois il est moins coopératif lors du nourrissage mais jamais rien de vraiment alarmant. La seule nourriture que nous pouvons lui donner c'est du blanc de poulet cru, là bas nous n'avons pas grand choix mais c'est déjà très bien. Je sens Nathalie très investie, elle m'envoie parfois une dizaine de messages dans la journée, m'envoie des photos chaque jours également. Elle est vraiment dévouée pour ce petit rapace nocturne que la vie a mit sur son chemin. Je garde à l'esprit que ce n'est ni son métier, ni sa vocation et que je dois rester disponible pour eux à tout moment. Elle garde le petit dans son bureau qui est très calme, le nourri aussi souvent qu'il le faut. Le soir elle est aidée par un collègue qui prend le relai. Une chance d'avoir une équipe de travail soudée et impliquée. Leur application dans les soins, la pesée, le nettoyage des fientes et le nourrissage est fantastique.

J'ai parfois peur que cela leur demande trop d'investissement et qu'ils baissent les bras devant l'immensité de la tâche car nous n'en sommes qu'au début.



Le rituel quotidien de la pesée de l'oiseau

Le petit commence à se dresser sur ses pattes, mais assez vite je remarque que celles-ci ne vont pas bien. Ses doigts vont trop vers l'extérieur.

Nous allons mettre en place des astuces pour ses pattes tordues, si elles ne se redressent pas ce serait un handicap qui ne lui permettra pas d'avoir une vie libre et sauvage. Nathalie prend bien conscience que la fauconnerie de l'Oise que je suis est loin et ne pourra pas venir pour l'aider. Aussi, j'ai la chance qu'elle soit très attentive à mes conseils et ses collègues également. Alors elle va mettre toutes les chances de son coté pour tenter de redresser les pattes de ce petit rapace..


Pattes de la chouette en cours de rééducation
Pattes en cours de rééducation

Même si ses doigts sont encore tordus, nous voyons bien qu'il a la force de bien se redresser sur ses pattes. Il est vaillant ce petit poussin. Un rapace ne suppose pas de telles défaillances pour vivre libre dans la nature. Il va falloir qu'il s'accroche et que Nathalie soit déterminée dans les soins pour que cette situation ne perdure pas.


Les semaines passent, l'oiseau grandi et mange de mieux en mieux. Son autonomie commence par sa capacité à manger seul mais pas uniquement. Il y a encore bien des étapes à franchir. Le chemin sera une vraie aventure pour lui comme pour Nathalie et ses collègues.

Mais je vous laisse voir comme ce rapace évolue bien, grandit bien et comme ses pattes se sont bien améliorées ! Quelle fierté !


Rapace nocturne de tanzanie
Belle évolution des pattes

La fauconnerie nous amène à vivre des moments incroyables. J'avoue qu'aider Nathalie et cet oiseau est une aventure qui me bouleverse chaque jours. L'énergie que met Nathalie dans les soins tout en étant ni soigneur animalier, ni fauconnier est extraordinaire. Je suis tellement heureuse de voir qu'il y a des personnes réellement dévouées et prêtes à faire beaucoup pour un animal. C'est émouvant et rassurant. Prête à beaucoup de choses mais pas à faire n'importe quoi, c'est pour cela qu'elle a cherché de l'aide, elle avait bien conscience que seule elle aurait pu faire des bêtises. Et c'est cela aussi que je souhaite saluer au travers de ce récit. L'oiseau commence à avoir des plumes qui poussent, je ne trouve pas qu'elle correspondent au hibou grand duc de Verreaux dont elle m'avait parlé. Les pattes ne sont pas très fortes en terme de taille. C'est surprenant. Donc me voilà à la recherche de l'identification de son espèce pour savoir à qui nous avons à faire.

Après quelques recherches et une confirmation d'un fauconnier spécialiste des rapaces nocturnes nous avons déterminé qu'il s'agissait d'une chouette africaine ( Strix woodfordii) et non d'un hibou grand duc de Verreaux. De fait, le poids à atteindre ne sera pas le même et je suis rassurée sur la taille des pattes qui correspondent tout à fait à ce qui doit être. Ma mission est dorénavant de sauver une chouette en Tanzanie. Nathalie et ses collègues l'ont nommé "Merlin". Un petit tour sur son évolution coté poids durant son séjour chez Nathalie.



L'évolution de son poids au fil du temps est très satisfaisante

Je profite des vacances de Nathalie pour lui expliquer qu'il va falloir construire une volière. Merlin a besoin d'espace, de voler, de se muscler, de chasser par elle même pour se nourrir et d'apprendre son futur environnement naturel.

Nathalie a du mal à se faire à l'idée que la petite chouette devra dormir dehors, passer du temps sans sa présence. C'est normal, alors je laisse ses congés faire le travail nécessaire à l'acceptation de ce changement.

Chez les rapaces, les femelles sont plus imposantes que les mâles. C'est d'ailleurs pour cela qu'en fauconnerie le mâle porte le nom de tiercelet ( mot qui vient de l'anglais), qui signifie que le mâle pèse 1/3 de moins que la femelle de son espèce. Vu les dernières prises de poids, nous sommes a peu près certains qu'il s'agit là d'une femelle, en fauconnerie elles portent le nom de forme. Elle ne changera pas de nom pour autant. Elle a donc contacté des amis qui vont l'aider à faire cette volière. Je lui ai indiqué les dimensions, et c'est un immense palace qu'ils vont lui faire. Là encore, la chance nous sourit, car Nathalie a beaucoup de place et peut lui faire une lieu de vie d'une très belle taille proche de la végétation locale, ce qui lui permettra de faire connaissance avec différents animaux et quelques uns de ses prédateurs naturels dont il faudra qu'elle se méfie quand elle sera libre.


Volière pour chouette africaine
La volière de Merlin est montée

Il reste à mettre des branches, des blocs, un nichoir, réaliser une partie couverte pour les jours de pluie. Ils feront exactement tout ce qui est demandé et conseillé pour que leur petite protégée soit bien installée le temps d'apprendre à être autonome et indépendante. Bien entendu, j'aurai aimé pouvoir aller là bas, rendre visite à Nathalie, ses collègues et amis si engagés dans ce sauvetage. J'aurais aimé les aider davantage, autrement, être présente pour eux, pour la petite chouette orpheline, pour les soulager. Force est de constater qu'ils font tout qu'il faut pour le bien de Merlin. J'aurais aimé, mais elle a été si bien entourée que rien n'est plus important que la réussite de ce sauvetage. Rien !

Il n'est pas simple de la nourrir au quotidien. Ils n'ont pas d'animalerie pour se fournir. Aussi le poulet a été essentiel dans son alimentation, mais pas uniquement et il va falloir varier les plaisirs et lui apporter une alimentation la plus proche possible de ce qui sera naturel pour elle et lui faire découvrir les petites proies qu'elle pourra chasser dans son environnement.



Merlin apprend son environnement et découvre la présence d'un singe, un prédateur potentiel.

Dans le bureau de Nathalie, régulièrement et plusieurs fois par jour rentrent des geckos. Nathalie a donc attrapé des geckos pour nourrir Merlin. Un exercice de chasse peu commun pour elle mais très bénéfique pour la chouette africaine qui va pouvoir connaitre un aliment qu'elle trouvera dans son environnement lorsqu'elle sera relâchée. Elle chassera aussi quelques grenouilles pour Merlin. Mais de toute évidence Merlin préfère les geckos. Seulement ce n'est pas facile à manger, elle va devoir s'exercer et faire preuve d'opiniâtreté pour s'en sortir toute seule par la suite.




Merlin dans sa volière avec un gecko entre les pattes

Et oui ! Ca y est Merlin est dans sa volière, sous la haute surveillance et bienveillance de Nathalie qui s'assure très régulièrement que tout va bien. Au début ses repas seule en volière ont été un peu laborieux. Tout d'abord les proies étaient apportées par Nathalie ou son collègue. Puis il a fallu que Merlin apprenne à chasser seule. Grâce à l'obstination de Nathalie, elle a pu trouver un élevage de volaille qui lui fournira des poussins. Ces poussins seront primordiaux pour bien apprendre à chasser et tuer correctement les proies. Et elle va très bien se débrouiller. Quand je vous dit que tout cela est une aventure incroyable !!!! Au fil du temps Merlin montre de l'indépendance. En effet, elle refuse de manger en présence de l'humain. C'est fantastique ! Dès que l'équipe qui la nourrit part, elle se jette sur son repas. Quand on apprend la fauconnerie, la première chose que l'on doit prendre en compte c'est l'incroyable patience qu'il va nous falloir pour affaiter nos oiseaux, les élever. Et bien quand on doit s'occuper d'un poussin de rapace, c'est exactement pareil, sans patience (et amour), rien n'est possible ! Ce n'est pas réservé aux fauconniers, tout éleveur sait que c'est indispensable.



De temps en temps on lui donne une aile de poulet

Petit à petit Merlin prend conscience de la puissance de ses serres et les geckos n'ont plus qu'à bien se tenir, les grenouilles aussi. Nous attendons maintenant qu'elle ait acquis tous les essentiels pour sa vie libre et sauvage. Aujourd'hui nous sommes quasi certains qu'elle pourra être libérée.

Chouette africaine juvénile - Strix woodfordii
Merlin est une chouette africaine magnifique !

Le moment de son lâché en milieu naturel approche. Chaque jour qui passe est une victoire.

Elle ne se laisse plus prendre. Elle mange seule. Elle préfère manger en l'absence d'humains. Elle sait voler correctement grâce à l'immense volière. Elle sait chasser seule. Elle a pu identifier les prédateurs qui rôdent dans les parages.


Nathalie doit maintenant être prête à la laisser partir, le cœur gros sans aucun doute mais la fierté d'avoir accompli ce fabuleux travail doit prendre le dessus. Je serais disponible pour l'aider à passer ce cap essentiel, ce cap est l'aboutissement de ces mois de travail, de patience, d'amour, de bienveillance. Des mois d'une volonté sans faille ! Je suis tellement fière de Nathalie et de ses collègues de travail, fière que ce minuscule oiseau ait pu grandir et vivre grâce à eux, fière de les avoir aider dans ce long chemin vers la vie libre et sauvage. Merlin a été mise en liberté, à quelques mètres de sa volière. Il lui ont mis une bague à la patte pour le reconnaitre parmi toutes les autres qui peuvent passer par là. Durant quelques temps, nous mettrons en place un taquet pour assurer sa subsistance. Le taquet est de la nourriture apportée par l'humain le temps que l'animal apprenne à connaitre son territoire et le bassin alimentaire que ce territoire lui offre. Ainsi, peu à peu, la quantité de nourriture sera diminuée jusqu'à ce que la chouette trouve sa nourriture par elle même en chassant dans son territoire, sans l'aide humaine. Seule, autonome et indépendante. Au début, Merlin restera aux abords du bâtiment où travaille Nathalie. Au bout de quelques semaines, ils ne la voient passer dans le secteur qu'environ une fois par semaine parfois plus longtemps encore. Elle a appris à vivre sa vie, elle a tout d'une grande chouette maintenant.


La chouette Merlin a retrouvé la vie libre et sauvage
Merlin aux abords du bâtiment rend visite à son lieu de presque " naissance".


Aujourd'hui Merlin vit sa vie de rapace libre et sauvage. Nathalie et moi sommes restées en contact. Je remercie Nathalie, ses collègues et la providence d'avoir mis Merlin sur leur chemin, cette petite chouette africaine ne pouvait pas rêver meilleurs soigneurs pour sa survie. J'écris ses mots le cœur à la fête, rempli de gratitude.










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